Macron aux îles Eparses, petit archipel au cœur des tractations diplomatiques entre la France et Madagascar

par Cédric STANGHELLINI
Publié le 23 octobre 2019 à 10h33
Macron aux îles Eparses, petit archipel au cœur des tractations diplomatiques entre la France et Madagascar

À LA LOUPE - Et si à l'occasion des 60e anniversaire de l’indépendance de la République de Madagascar en 2020, la France offrait la souveraineté d'un bout du territoire national ? Alors que le président Macron s'y déplace, mercredi 23 octobre, éclairage sur ce territoire niché dans l'océan indien.

Emmanuel Macron fait un très fugace passage sur les îles Eparses, mercredi 23 octobre, pour un voyage à l'importance diplomatique insoupçonnée. Le président de la République a indiqué qu'il s'y rendrait en compagnie de "plusieurs scientifiques sur ce territoire extrêmement stratégique dans la région pour marquer [son] engagement en faveur de la biodiversité et le choix d'aller au bout de la protection de ce territoire et de le sanctuariser pleinement." 

C'est que ce territoire, présumé riche en hydrocarbures, est aujourd'hui au centre de discussions entre Madagascar et la France. L'archipel de sept kilomètres de long est ainsi administré par la France et revendiqué par Madagascar depuis les années 70. Le sujet avait ainsi été évoqué le 29 mai dernier, quand le président malgache, Andry Rajoelina, avait été accueilli à l’Elysée par Emmanuel Macron.

Lors de l’entrevue, Andry Rajoelina avait demandé "solennellement et officiellement" à Emmanuel Macron de "trouver une solution pour la gestion ou la restitution des îles Éparses à Madagascar, au nom des 25 millions de Malgaches", précisant qu’il connait sur ce dossier "les engagements" du président français. Une position malgache déjà exprimée par son prédécesseur à l’Assemblée générale de l’ONU en 2016 par Hery Rajaonarimampianina. 

Le Rassemblement national avait alors publié un communiqué dans lequel la formation d'extrême droite martelait son opposition à toute "tentative de remise en cause de la souveraineté française sur nos territoires ultramarins par des pays étrangers." 

Qu'est-ce que les Îles Éparses ?

Les îles Éparses regroupent au total cinq îles : Bassas da India, Les Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Tromelin, toutes situées dans le canal du Mozambique. L’Etat de Madagascar conteste la souveraineté française des quatre premières îles, étant elle réclamée par Maurice. 

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L’administration des îles Éparses fut attribuée au ministère de l’Outre-mer par un décret pris le 1er avril 1960, un mois et demi avant l’indépendance de Madagascar. Le statut des îles Éparses ne change pas jusqu’en 2005, date à laquelle elles sont rattachées au préfet administrateur des TAAF, les Terres australes et antarctiques françaises, basé à la Réunion. Ces cinq îlots sont inhabités, à l’exception d’une présence militaire et scientifique. 

De quand datent les contestations de souveraineté ?

En 1976, la République de Madagascar saisit les Nations Unies, qui adopteront deux résolutions non contraignantes en 1979 et 1980. Ces dernières invitaient la France à entamer des discussions entre la France et l’Etat malgache. Toutefois, elles ne furent jamais suivies de faits.

A ce stade, il n’a jamais été question, dans aucune prise de position sur le sujet, de renoncement à la souveraineté française
Ministère des Affaires étrangères

Il faut attendre 2016 pour qu’une commission commune, créée à l’initiative de François Hollande, se penche sur la question, mais sans aucun résultat. L’annonce d’Emmanuel Macron et d’Andry Rajoelina le 29 mai n’est donc ni plus ni moins que la création d’une nouvelle commission similaire à celle de 2016. 

A l'époque, le ministère des Affaires étrangères avait précisé à LCI que cette commission avait pour objectif de "bâtir une solution commune face aux enjeux de sécurité, de défense de la biodiversité et de lutte contre la pêche illicite" dans la zone. 

Rappelons que les îles Éparses permettent à la France de disposer d’un espace économique maritime de 640.400 km². Notre pays possède d’ailleurs la seconde zone économique exclusive mondiale, juste derrière les Etats-Unis, avec un total de 10 millions de km². Si Madagascar s’intéresse autant à ces cinq îlots inhabités, c’est en raison des ressources que pourrait réserver leur sous-sol marin, comme des hydrocarbures. La France dispose aussi d’un large espace de pêche convoité par Madagascar.  

Madagascar réclame-elle vraiment un abandon de souveraineté française ?

Un changement de souveraineté n’est d’ailleurs pas nécessairement l’option privilégiée par la République de Madagascar. Sur l’antenne de RFI, Naina Andriantsitohaina, ministre des Affaires étrangères malgache, souligne les limites de cette solution. "Il faut être franc, Madagascar, aujourd’hui, n’a pas les moyens de sécuriser cette zone. On a beaucoup d’autres priorités comme l’éducation et la santé." 

C’est sans doute pour cela que le président malgache avait bien précisé, dans sa demande à la France, les mots de "gestion ou restitution". Une cogestion avec l’Etat malgache, sans abandon de souveraineté française, pourrait donc être la solution envisagée par la commission. 

Un abandon de souveraineté sera-t-il discuté ?

Sur la question délicate de la souveraineté, le quai d'Orsay se veut rassurant. Le ministère des Affaires étrangères affirmait ainsi à LCI "qu’aucune des options qui pourraient être examinées lors des discussions à venir ne portera atteinte à la souveraineté de la France sur ces îles." 

Contacté par nos soins au mois de juin, Rémi Maréchaux, le directeur d'Afrique et de l'Océan indien du ministère, nous répondait de son côté qu' "à ce stade, je ne peux que relever qu’il n’a jamais été question, dans aucune prise de position sur le sujet, de renoncement à la souveraineté française." 

Peut-on parler de "restitution" ?

Utiliser le terme de "restitution" concernant les îles Éparses paraît impossible. Si ces îles furent implicitement incluses dans la loi du 6 août 1896 déclarant "Madagascar et les îles qui en dépendent" colonie française, elles étaient totalement inoccupées avant l’arrivée des Français au XVIIe et XIXe siècle. Ainsi, il n’y a pas eu de substitution, par les autorités coloniales françaises, d’un pouvoir séculaire sur les Îles Éparses qui aurait été précédemment exercé par les Malgaches, comme cela fut le cas pour la colonisation de Madagascar. Une explication détaillée dans une publication du Centre d'études stratégiques de la marine paru  en 2015. 

Enfin, les îles Éparses ne font pas partie de la liste des territoires non autonomes selon l'Organisation des Nations unies. 

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Cédric STANGHELLINI

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