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Politique

Le sort des îles Éparses divise le gouvernement

EXCLUSIF - Le torchon brûle entre la ministre des Outre-mer et le ministre des Affaires étrangères à propos de la définition de la stratégie française sur les îles Éparses. Le président malgache a réclamé fin mai à Paris "la gestion ou la restitution" de ces îlots, territoires français, situés à l’ouest et au nord de la Grande île.

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Vue aérienne de l'île Europa, dans l'océan Indien, l'un des cinq atolls des îles Eparses

Vue aérienne de l'île Europa, dans l'océan Indien, l'un des cinq atolls des îles Eparses

AFP

Le gouvernement français peine à s’accorder sur une position unique concernant l’ambition du nouveau président malgache d’obtenir une rétrocession des îles Éparses. D’un côté, le ministère des Affaires étrangères cherche à boucler un accord global avec Madagascar, qui vient de clore une période de dix ans de troubles politiques avec l’élection en décembre 2018 du président Andry Rajoelina. De l’autre, le ministère des Outre-mer veut éviter à tout prix d’amorcer un mouvement de rétrocession de territoires français voire même d’abandon sur les droits de pêche dans les "zones économiques exclusives" (ZEE).

Lors de sa visite officielle à Paris fin mai, Andry Rajoelina avait obtenu d’Emmanuel Macron la création d’une commission mixte devant définir une "solution commune" sur les îles Éparses avant le 26 juin 2020, jour du 60e anniversaire de l’indépendance de Madagascar. Inhabitées, les îles Éparses sont situées dans le canal du Mozambique (le long couloir entre le continent africain et la côte ouest de Madagascar) pour quatre d’entre-elles –Juan de Nova, Europa,  Bassas  da  India,  les  Glorieuses –, tandis que Tromelin se trouve à l’est de Madagascar. Administrées par la France depuis plus d’un siècle, elles sont aujourd’hui intégrées au sein des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Présence française dans l'océan Indien 

"Pour le peuple malgache, la question des îles Éparses est une question d’identité nationale, avait avertit Andry Rajoelina fin juin. (…) C’est au nom du peuple malgache que je demande solennellement et officiellement à M. le président [Emmanuel Macron, NDLR] de trouver une solution pour la gestion ou la restitution des îles Éparses à Madagascar". A la suite de la visite du président malgache à Paris, le gouvernement français a tenu une première Réunion interministérielle (RIM) sur le sujet le 13 juin. Depuis, les désaccords se sont creusés entre le Quai d’Orsay et le ministère des Outre-mer. En témoigne un courrier adressé par Annick Girardin à Jean-Yves Le Drian le 25 juin, dans lequel la ministre fait part de ses réserves sur la conduite du dossier.

Annick Girardin, qui est la seule personnalité, avec son homologue du Quai d’Orsay, à avoir fait partie d'un gouvernement à la fois sous François Hollande et sous Emmanuel Macron, y rappelle que la France n’a "jamais reconnu la moindre légitimité à Madagascar en termes de souveraineté sur les îles Éparses. Nous devons strictement rester sur cette ligne dans les négociations à venir, car tout écart fragiliserait la légitimité de la présence française dans l’océan Indien, en renforçant les revendications, non fondées en droit, portées par Maurice sur Tromelin, par Madagascar sur les îles Éparses du canal du Mozambique et par les Comores sur l’archipel des Glorieuses et sur Mayotte".

La ministre des Outre-mer met en garde le responsable de la diplomatie française contre tout accord avec Madagascar qui pourrait avoir un effet boule de neige sur d’autres revendications de pays voisins de territoires français de la zone indo-pacifique.

Droits sur l'espace maritime

S’inscrivant en défenseure de l’intégrité des territoires français d’outre-mer, l’ex-députée de Saint-Pierre-et-Miquelon (PRG puis LREM) souligne qu’il "faut, en particulier, bannir toute notion d’accords de cogestion ou de cession de ZEE, car ils seraient immanquablement interprétés par la Cour internationale de justice (CIJ) comme des éléments de reconnaissance de la souveraineté des pays voisins". Issues du droit international de la mer, les ZEE sont l’espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière d'exploration et d'usage des ressources (pêche, hydrocarbures,…). Elle s’étendent jusqu'à 200 milles marins (370,4 km) de ses côtes.

Annick Girardin se félicite dans son courrier que la RIM du 13 juin dernier ait écarté toute notion de cogestion et notamment toute coattribution des permis de pêche. Toutefois, elle remarque que les conclusions de la RIM "affirment le principe de non-discrimination entre les pêcheurs malgaches et les pêcheurs français et européens, ce qui n’est pas acceptable". En clair, elle s’oppose à ce que les bateaux malgaches puissent opérer comme leurs homologues français dans la ZEE française.

La ministre des Outre-mer regrette par ailleurs la faible représentation des élus d’outre-mer, et notamment l’absence d’élus de Mayotte, le territoire français le plus proche des îles Éparses, dans la délégation française au sein de la commission mixte. "Je prends note de la création d’une instance de dialogue structurée entre le président de la délégation française et les élus de République (parlementaires et élus locaux de la Réunion et de Mayotte). Nous devrons en acter ensemble rapidement sa composition", écrit-elle à Jean-Yves Le Drian.

Le Quai d'Orsay calme le jeu

"J’ai la conviction, conclut-elle, que nous sommes, dans l’océan Indien, une grande puissance par notre territoire ultra-marin. Les ambitions portées par le président de la République dans le cadre de la stratégie indo-pacifique reposent fortement sur nos territoires ultramarins. L’enjeu aujourd’hui est bien de le réaffirmer à l’égard du monde, mais également de nos concitoyens et de nos élus, qu’ils soient issus des territoires voisins ou de l’Hexagone."

Du côté du Quai d’Orsay, on veut calmer le jeu en se bornant à rappeler que "le ministère des Outre-mer sera pleinement associé aux discussions qui vont démarrer avec Madagascar. La décision du président de la République de constituer une délégation française a bien pour objectif de sauvegarder notre souveraineté sur les îles Éparses et notre juridiction sur les eaux adjacentes".

 

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